Mettre en place un programme de gouvernance des données ne revient pas uniquement à documenter quelques règles ou à désigner un responsable. C’est une démarche organisationnelle à part entière, qui nécessite une répartition claire des responsabilités, un alignement entre métiers et IT, et une compréhension commune des enjeux liés à la qualité, à l’usage et à la protection des données.
Pour que cette mécanique fonctionne, chaque acteur — du dirigeant au collaborateur opérationnel — doit savoir précisément ce qu’on attend de lui et comment contribuer à l'effort collectif.
Dans cet article, nous présentons les rôles et responsabilités essentiels, qu’ils soient génériques ou spécialisés, afin d’instaurer une gouvernance des données efficace (et proportionnée) au sein de votre organisation.
La réponse courte : toute personne qui produit, manipule ou consomme des données dans l’organisation.
La réponse complète : chacun participe, mais pas au même niveau ni avec les mêmes responsabilités.
Clarifier cela est essentiel. La gouvernance ne consiste pas à alourdir les processus ou à multiplier les comités ; elle vise plutôt à instaurer un cadre simple et compréhensible, dans lequel chacun sait comment contribuer à la qualité, à la conformité et à la valorisation des données.
Le périmètre exact des rôles dépend fortement de votre contexte : taille de l’entreprise, maturité data, diversité des sources de données, exigences réglementaires, ambitions analytiques… Selon ces paramètres, vous pouvez démarrer avec quelques responsabilités clés ou structurer une équipe plus large et plus formelle.
Dans cet article, nous verrons :
Un programme de gouvernance performant repose sur une articulation claire entre rôles « fondamentaux » et rôles « spécialisés ». Les premiers structurent et pilotent la démarche ; les seconds opèrent les processus au quotidien et s’assurent que les règles sont appliquées sur le terrain.
Souvent incarné par un membre du comité exécutif (CDO, CIO, CFO ou tout dirigeant sponsor), il porte la vision et la légitimité de la démarche. Son rôle est de sécuriser les moyens, arbitrer les priorités et défendre la gouvernance comme un enjeu stratégique, pas comme un sujet administratif. Il agit comme point d’ancrage entre la gouvernance et les enjeux métiers.
Véritable chef d’orchestre, il pilote le programme, structure les processus, coordonne les parties prenantes et garantit l’alignement entre objectifs business, exigences réglementaires et capacités techniques. Il propose les standards, suit leur adoption et accompagne les équipes dans les changements. Il doit maîtriser le langage métier tout en comprenant les contraintes IT.
Responsables d’un périmètre de données (clients, produits, contrats, patrimoine, etc.), ils en assurent la qualité, la cohérence et la disponibilité. Ils définissent les règles, arbitrent les usages et priorisent les actions d’amélioration. Leur connaissance métier est centrale : ils comprennent l’importance des données dans les processus opérationnels.
Ils traduisent les règles définies par les Data Owners en actions concrètes. Leur mission inclut la documentation, la classification, la détection des anomalies, le suivi de la qualité et le support aux utilisateurs. Ce sont eux qui gèrent les problématiques quotidiennes de gouvernance et garantissent que les standards sont appliqués. Ce rôle nécessite une bonne compréhension à la fois des enjeux métiers et des aspects techniques.
Bien que ces rôles fondamentaux soient souvent orientés soit métier, soit technique, la réussite d’un programme de gouvernance des données repose sur une collaboration étroite entre les deux dimensions.
Ils maintiennent les environnements techniques, contrôlent l’intégrité des systèmes, gèrent les bases de données, les pipelines et les performances. Ils assurent la fiabilité de l’infrastructure technique sur laquelle repose la gouvernance.
Ils protègent les données. Concrètement, ils gèrent les accès, mettent en œuvre les politiques de sécurité, assurent le chiffrement, suivent les incidents et veillent à la conformité. Ce rôle se situe à l’interface entre IT, sécurité et métiers.
Ce sont tous les collaborateurs qui utilisent les données pour travailler : analystes, opérationnels, managers, data scientists… Leur responsabilité est simple : utiliser les données conformément aux règles établies. Leur rôle est essentiel, car ce sont eux qui, par leurs pratiques quotidiennes, font vivre la gouvernance.
Dans les secteurs régulés, ce rôle est indispensable. Il veille à ce que les pratiques de gouvernance respectent le cadre légal (RGPD, finance, santé, assurances, etc.). Il réalise les audits, identifie les risques de non-conformité, propose des mesures préventives et conseille l’organisation sur les obligations réglementaires.
Avec l’essor de l’IA, cette responsabilité devient incontournable : elle consiste à s’assurer que les modèles et systèmes IA sont correctement documentés, alimentés par des données fiables et utilisés de manière éthique. Ce rôle peut être intégré à un Centre d’Excellence, confié à des Data Owners ou attribué à une équipe spécialisée.
Ces rôles spécialisés travaillent de concert avec les rôles fondamentaux afin d’assurer une couverture complète de la gouvernance des données, qu’elle soit technique, opérationnelle ou réglementaire.
Réussir la mise en place d’une équipe de gouvernance nécessite une approche pragmatique et méthodique. La question n’est pas « quels rôles copier dans un modèle théorique ? », mais « quelles responsabilités sont indispensables pour que la gouvernance fonctionne chez nous ? ».
Voici les principaux facteurs à considérer :
Commencez par une cartographie des compétences : connaissances métier, maîtrise technique, compréhension des enjeux réglementaires, expérience en gestion de données. Complétez les manques par des formations ciblées. Cette montée en compétence conditionne la capacité réelle de l’équipe à assumer ses missions.
Une responsabilité ne vaut rien sans un pouvoir de décision cohérent. Clarifiez ce que chacun peut décider, valider ou arbitrer. Utilisez des outils comme la matrice RACI (Responsible, Accountable, Consulted, Informed) pour éviter les doublons et les « zones grises ».
La gouvernance n’est pas un travail en silo. Elle exige un dialogue constant entre métiers, IT, sécurité, juridique et data. Prévoyez des rôles qui facilitent la circulation de l’information, encouragent la collaboration et permettent d’aligner rapidement les décisions.
Votre dispositif doit pouvoir grandir progressivement : nouveaux périmètres, nouvelles sources de données, nouveaux outils, nouvelles exigences réglementaires. Une gouvernance rigide devient vite un frein.
Suivez l’efficacité de l’organisation via des KPI : qualité des données, temps de traitement des incidents, taux d’adoption des standards… Ajustez régulièrement les rôles et responsabilités en fonction des évolutions de votre entreprise.
Enfin, à mesure que l’IA occupe une place plus importante, intégrez systématiquement ses impacts : qualité des données d’entraînement, niveaux de transparence attendus, contrôles des biais, surveillance des performances des modèles…
L’un des défis majeurs en gouvernance est que beaucoup de rôles n’existaient pas dans les organisations il y a encore quelques années. Il est donc essentiel d’investir dans l’apprentissage et l’accompagnement.
Voici quelques éléments à considérer :
Concevez un programme d’intégration complet destiné aux nouveaux arrivants comme aux membres existants. Présentez la stratégie, les objectifs, les règles existantes, les outils, les procédures, ainsi que les rôles de chacun. Cet onboarding doit permettre aux nouveaux arrivants de comprendre le « pourquoi » autant que le « comment ».
Data catalogs, dictionnaires de données, outils de qualité des données, solutions de conformité… Il est indispensable que les équipes sachent les utiliser et comprennent leurs principes de fonctionnement.
Les équipes data ne travaillent jamais seules : elles collaborent avec les métiers, l’IT, la sécurité, le juridique. Les formations transverses facilitent la compréhension mutuelle et améliorent la cohérence du dispositif. Utilisez des outils tels qu’un dictionnaire de données, un data catalog ou un business glossary pour mieux gérer les actifs data, leurs usages et leurs métadonnées associées. Cette vision globale renforcera la collaboration et l’alignement de la gouvernance avec les objectifs de l’organisation.
Associer un nouveau Data Steward ou Data Owner à un profil expérimenté accélère l’apprentissage. L’observation de cas réels vaut mieux que des formations théoriques.
Encouragez l'équipe à suivre des formations ou à obtenir des certifications spécifiques à la gouvernance des données. Elles renforcent la crédibilité et permettent de suivre l’évolution des standards et pratiques du marché. Offrir un soutien financier ou logistique pour ces formations peut également motiver les collaborateurs à investir dans leur développement professionnel.
Installez une culture d’apprentissage permanent au sein de l’équipe. Encouragez les échanges via des ateliers internes, des sessions de partage, des conférences ou des webinaires. Une gouvernance vivante est une gouvernance qui apprend. En complément, envisagez d’organiser des sessions internes de partage de connaissances ou des “lunch & learn” pour permettre aux membres de l’équipe d’échanger et d’apprendre les uns des autres.
Pour qu’un programme de gouvernance des données soit efficace, il doit rester réaliste : il doit être aligné avec les besoins de votre entreprise, sa taille, son niveau d’urgence, sa maturité et ses capacités. Cela inclut les ressources humaines et matérielles que vous décidez d’y consacrer.
Il est probable que vous n’ayez pas besoin — du moins pas immédiatement — de pourvoir chacun des rôles décrits précédemment. À mesure que les activités de gouvernance des données se développent et que davantage de personnes assument des responsabilités en la matière, évaluez l’intérêt d’ajouter de nouvelles fonctions et de renforcer progressivement votre équipe.