Si votre entreprise a déjà entamé une démarche de gouvernance des données, vous avez sans doute entendu ces trois intitulés revenir sans cesse : Data Owner, Data Steward, Data Custodian. Trois rôles différents, parfois confondus, mais indispensables pour donner de la cohérence à la gestion de la donnée.
Et pour cause : à mesure que les organisations multiplient les sources, les systèmes et les usages, la donnée devient un actif à la fois stratégique, complexe et vulnérable. Sans règles claires, elle se fragmente, perd de sa fiabilité et finit par alimenter plus de doutes que de décisions.
C’est ici que le triptyque Data Owner, Data Steward, Data Custodian entre en scène. Il structure la chaîne de responsabilité autour de la donnée, du “pourquoi” (sa valeur métier) au “comment” (sa mise en œuvre technique).
Le Data Owner est le véritable porte-voix du métier. Son rôle dépasse largement la simple supervision : il définit la valeur que l’entreprise souhaite tirer de ses données et s’assure qu’elles servent les objectifs stratégiques.
Concrètement, le Data Owner représente la vision métier : il décide comment une donnée doit être utilisée, protégée et interprétée. Issu d’un département fonctionnel — finance, marketing, RH ou opérations —, il connaît les processus, les besoins et les contraintes qui façonnent la donnée au quotidien. C’est lui qui arbitre lorsqu’il faut choisir entre deux définitions, prioriser un usage ou aligner les règles avec les enjeux réglementaires.
Chez Limpida, nous aimons dire que le Data Owner répond à trois questions essentielles : Pourquoi cette donnée existe-t-elle ? À quoi sert-elle ? Quelle valeur crée-t-elle ? Ces trois interrogations simples structurent la gouvernance autour du sens, et non de la seule conformité.
Ses responsabilités clés :
Un bon Data Owner ne se contente pas d’assurer la conformité : il oriente la donnée vers la création de valeur. Il ne se demande pas seulement si la donnée est correcte, mais si elle sert la performance de l’entreprise.
Si le Data Owner donne le cap, le Data Steward en assure la trajectoire. Il est celui qui veille, jour après jour, à la bonne application des règles de gouvernance. Là où le premier pense stratégie, le second agit dans le concret : il transforme les principes en pratiques, les politiques en processus.
Le Data Steward connaît les systèmes, les flux et les référentiels. Il sait où la donnée naît, comment elle circule et à quel moment elle risque de se dégrader. Il intervient au cœur des opérations, souvent dans l’ombre, pour garantir que chaque donnée utilisée par les métiers est fiable, cohérente et documentée. C’est lui qui entretient la confiance dans le patrimoine informationnel de l’entreprise.
Dans une organisation mature, le Data Steward travaille main dans la main avec les Data Owners et le Data Office. Il traduit leurs directives en contrôles mesurables et en processus concrets. Il s’assure que les anomalies détectées ne restent pas sans réponse et que les utilisateurs disposent de définitions partagées.
Ses principales missions :
Si le Data Owner incarne la vision métier et le Data Steward la rigueur opérationnelle, le Data Custodian représente la garantie technique. Il est le gardien des infrastructures, celui qui veille à ce que les règles de gouvernance soient réellement appliquées dans les systèmes. Sans lui, les principes resteraient théoriques.
Le Data Custodian travaille au plus près de la DSI, des architectes et des équipes d’exploitation. Il supervise les environnements techniques où résident les données — bases, entrepôts, lacs ou plateformes cloud — et s’assure que leur intégrité, leur sécurité et leur disponibilité soient garanties. Son champ d’action couvre aussi bien la gestion des accès que la mise en œuvre des standards techniques de gouvernance.
C’est un rôle souvent sous-estimé, alors qu’il est indispensable pour passer de la politique à la réalité. Le Custodian transforme la gouvernance en configuration : il paramètre les droits, les logs, les sauvegardes, les contrôles d’intégrité. Il fait le lien entre les équipes IT et les responsables de la donnée, traduisant les exigences métiers en exigences techniques.
Ses principales missions :
Pris isolément, ces trois rôles pourraient sembler cloisonnés : le Data Owner donne la direction, le Data Steward veille à la qualité, le Data Custodian assure la sécurité et la disponibilité. Mais leur véritable force réside dans leur complémentarité. Ensemble, ils forment une chaîne de responsabilité continue, qui couvre l’ensemble du cycle de vie de la donnée — de sa définition à son exploitation.
Chez Limpida, nous observons que les organisations les plus matures ont su mettre en place cette articulation claire entre vision, exécution et technologie. C’est ce qui leur permet de passer d’une gouvernance “subie” — où chacun agit dans son périmètre — à une gouvernance “orchestrée”, où chaque rôle contribue à la performance globale de l’écosystème data.
Ce tableau n’est pas qu’organisationnel : il reflète une philosophie de gouvernance.
C’est cette symbiose entre métier, opération et technique qui permet aux entreprises de passer d’une gestion défensive de la donnée à une gouvernance proactive, tournée vers la création de valeur et la confiance.
Dans les organisations matures, la gouvernance des données n’est plus un sujet de contrôle, mais un levier de collaboration. Les rôles de Data Owner, Data Steward et Data Custodian ne fonctionnent pas en silos : ils s’inscrivent dans une structure plus large, souvent pilotée par le Chief Data Officer (CDO) ou le Data Governance Manager, qui en assure la cohérence et la coordination.
Le CDO définit la stratégie globale, fixe le cadre et les priorités.
Les Data Owners incarnent la vision métier : ils traduisent les objectifs de l’entreprise en besoins de données tangibles.
Les Stewards et Custodians, quant à eux, en assurent la mise en œuvre opérationnelle et technique.
Cette dynamique crée un écosystème gouverné à la fois descendant et ascendant :
Les entreprises qui réussissent à instaurer cette gouvernance intégrée partagent toutes un même état d’esprit : elles considèrent la donnée comme une responsabilité partagée. Chacun agit dans son domaine, mais avec une vision commune — celle d’une donnée qui circule librement, en confiance, et alimente les décisions à tous les niveaux de l’organisation.
La gouvernance des données n’est pas figée : elle évolue au rythme des technologies, des usages et des attentes des entreprises.
Les rôles de Data Owner, Data Steward et Data Custodian s’adaptent à de nouveaux environnements — cloud, architectures décentralisées, IA générative — qui redéfinissent leurs frontières et leurs interactions.
Avec le modèle Data Mesh, chaque domaine devient responsable de ses propres “produits de données”. Le Data Owner gagne alors en importance : il n’est plus seulement garant d’un périmètre métier, mais véritable propriétaire produit de la donnée. Il définit les besoins, pilote la qualité et s’assure que son domaine livre des données prêtes à être consommées par d’autres.
Le Steward, de son côté, endosse un rôle d’animateur de communauté, veillant à l’harmonisation entre domaines. Quant au Custodian, il contribue à la mise en place d’une infrastructure partagée, qui facilite la gouvernance sans l’imposer.
La migration vers des plateformes cloud a transformé la mission du Data Custodian. Il ne s’agit plus seulement d’administrer des bases de données, mais de sécuriser des environnements hybrides et dynamiques. Les Custodians travaillent désormais selon les principes du DevSecOps, intégrant la sécurité dès les phases de développement. Ils gèrent les clés de chiffrement, les politiques d’accès, la supervision et la résilience — autant d’enjeux critiques dans des architectures distribuées et multi-cloud.
Les Data Stewards bénéficient aujourd’hui d’une nouvelle génération d’outils — Data Catalogs, Data Quality Monitoring, Metadata Management — qui automatisent une partie de leurs tâches. Les algorithmes détectent désormais les incohérences, suggèrent des corrections ou identifient les doublons. Le rôle du Steward s’oriente donc vers plus de pilotage et de coordination, avec une valeur ajoutée centrée sur l’analyse et la pédagogie.
À mesure que les outils deviennent plus intelligents, les frontières entre les trois fonctions s’estompent. Dans les organisations les plus avancées, Owner, Steward et Custodian forment des équipes mixtes, réunies autour d’objectifs communs : fiabilité, conformité, réutilisabilité. Cette approche collaborative, soutenue par le CDO, transforme la gouvernance en mécanisme d’innovation continue.