L’année 2025 aura laissé une impression étrange dans le paysage data : celle d’une période où tout semblait aller très vite… et pourtant pas toujours dans la bonne direction.
Entre la généralisation du cloud, l’explosion de l’IA générative et la montée en puissance de la Modern Data Stack, les entreprises ont eu le sentiment d’être propulsées dans le futur. Et certaines ont même réellement atterri en 2025 ; d’autres, disons-le sans jugement (ou presque), ont visité le futur deux heures lors d’un webinar avant de retourner à leurs Excel 2013.
Les métiers, eux, n’ont jamais été aussi exigeants. Ils attendent de la donnée qu’elle soit fiable, accessible, actionnable, et, si possible, qu’elle réponde à la première question avant même d’être posée. Les équipes data ont donc redoublé d’efforts pour tenir le rythme. Résultat : une année dense, riche, stimulante… et parfois un peu essoufflante.
Mais un constat s’impose : malgré les investissements, les outils modernes et les expérimentations ambitieuses, beaucoup d’organisations peinent encore à transformer leurs initiatives data en gains réellement mesurables. Comme si la machine était puissante, mais que les engrenages n’étaient pas encore parfaitement alignés.
C’est précisément pour cela que 2026 ne doit pas être une année de plus, mais une étape de consolidation. Une année où l’on arrête de courir après chaque nouveau concept, pour se concentrer sur ce qui crée vraiment de la valeur : des pratiques structurées, une gouvernance pragmatique, une exécution disciplinée, et des cas d’usage alignés sur les besoins métiers.
Rien d’exotique, donc. Mais une transformation profonde — celle qui permet enfin de récolter les fruits de toutes les initiatives lancées depuis plusieurs années.
En clair : si 2025 a été l’année où tout le monde a “fait de son mieux”, 2026 sera celle où l’on fera surtout “ce qui marche”.
L’année 2025 a confirmé un paradoxe déjà bien connu : les organisations affichent une ambition data toujours plus élevée, mais leurs fondations, elles, n’ont pas suivi le même rythme. Les directions veulent accélérer, industrialiser, automatiser et — pourquoi pas — révolutionner. Pourtant, derrière les discours enthousiastes, on retrouve souvent des jeux de données peu fiables, des processus mal documentés, et des rôles dont les contours changent au gré des réunions. C’est un peu comme vouloir lancer une fusée en priant pour que les boulons tiennent : l’intention est louable, la mécanique un peu moins.
En pratique, cet écart se traduit par des projets IA ou BI qui patinent, se répètent, ou s’arrêtent soudainement dès qu’on leur demande quelque chose d’aussi audacieux que… produire une valeur concrète. Sans un socle robuste — qualité maîtrisée, gouvernance vivante, pipelines stables et responsabilités claires — les promesses technologiques de 2025 restent souvent à l’état de démo PowerPoint. Et soyons honnêtes : même les plus beaux slides ne remplaceront jamais une donnée propre et un pipeline qui tourne sans alerter à 2h du matin.
En 2025, la Modern Data Stack a continué de s’imposer comme le standard des organisations souhaitant moderniser leurs architectures : entre Snowflake, BigQuery, dbt, Fivetran ou Airflow, les entreprises n’ont jamais disposé d’un éventail d’outils aussi performant. Sur le papier, tout est là. Dans les démonstrations aussi. Et parfois même dans les environnements de production, quand l’équipe n’a pas oublié de mettre à jour la documentation (un détail, bien sûr). Pourtant, malgré cette abondance technologique, un constat revient régulièrement : la simple adoption d’outils modernes ne suffit pas à créer une plateforme data mature.
Ce qui manque encore dans beaucoup d’organisations, c’est la cohérence d’ensemble : des conventions partagées, une orchestration lisible, une gestion des environnements claire, une culture d’ingénierie solide. En termes simples, les briques sont de plus en plus robustes, mais la construction reste souvent approximative — un peu comme assembler un meuble complexe avec une notice en trois lignes. Des pipelines qui fonctionnent… jusqu’au jour où ils ne fonctionnent plus, des transformations difficiles à auditer, et des équipes qui passent plus de temps à comprendre l’existant qu’à créer de la valeur. En 2026, l’enjeu ne sera donc pas d’acheter un énième outil, mais de savoir aligner ceux que l’on a déjà.
En 2025, impossible d’ignorer l’IA générative : elle s’est invitée dans les comités de direction, dans les roadmaps, dans les cafés du matin, et parfois même dans les discussions Slack où personne ne se souvenait vraiment qui avait lancé le sujet. Les entreprises ont multiplié les POC, souvent brillants, parfois inspirants, et toujours prometteurs… du moins tant qu’ils restaient dans des environnements contrôlés. Le problème, c’est que ces expérimentations ont rarement survécu au choc de la réalité : données incomplètes, architecture fragile, gouvernance inexistante, ou simplement absence de cas d’usage métier réellement pertinents. Bref, 2025 a été l’année où l’IA générative a montré son potentiel — mais surtout sa dépendance à des fondations data solides.
C’est pourquoi 2026 devra être l’année du passage à l’échelle, mais avec une approche beaucoup plus structurée. Il ne s’agit plus de tester des modèles pour “voir ce que ça donne”, mais de définir des processus clairs : qualité et préparation des données, sécurisation des prompts, gouvernance adaptée, suivi des performances, intégration dans les workflows métiers. En résumé, passer d’une IA qui “émerveille en démo” à une IA qui travaille vraiment, tous les jours, sans mettre le RSSI en sueur. Et pour cela, il faudra moins de magie… et beaucoup plus d’ingénierie.
En 2025, la gouvernance de données a enfin quitté le rôle ingrat du « bureau des ralentisseurs officiels » pour devenir un véritable pilier de la performance. Longtemps perçue comme une contrainte ou un ensemble de règles qu’on applique “si on a le temps”, elle s’est révélée indispensable pour sécuriser les usages de l’IA, fiabiliser les indicateurs clés et éviter que chaque département ne réinvente ses propres chiffres — parfois avec beaucoup de créativité, il faut le reconnaître. Les organisations ont compris qu’une stratégie data solide ne peut pas reposer sur des référentiels mouvants ou des définitions qui changent selon l’humeur du jour.
En réalité, la gouvernance n’a jamais été un frein : elle est simplement devenue trop visible pour être ignorée. Qu’il s’agisse d’harmoniser les données clients, d’assurer la qualité des KPI ou de documenter les pipelines pour éviter les “enquêtes internes” après chaque incident, elle agit désormais comme un cadre structurant, au service de l’efficacité des équipes et de la fiabilité des analyses. Et si 2025 a démontré quelque chose, c’est bien que l’IA et la data moderne ne peuvent fonctionner durablement que dans un environnement maîtrisé. Ce que certains appelaient autrefois une contrainte ressemble désormais étrangement à un avantage compétitif.
Si 2025 nous a appris quelque chose, c’est qu’aucune IA, aucun dashboard et aucune Modern Data Stack ne peut produire de la valeur si la donnée elle-même n’est pas stable, fiable et harmonisée. En 2026, la priorité absolue sera donc de renforcer la qualité des données et de structurer les référentiels métiers. En d’autres termes : avant de bâtir un gratte-ciel data, mieux vaut vérifier que les fondations ne sont pas faites en carton. Cela semble évident, mais il faut croire que ce rappel reste utile chaque année.
Pour y parvenir, les organisations devront s’engager dans plusieurs chantiers structurants :
Renforcer la qualité et les référentiels n’a rien d’un luxe : c’est la condition pour obtenir des analyses fiables, réduire les risques opérationnels et fluidifier — enfin — la prise de décision. Une organisation qui maîtrise sa donnée est une organisation qui avance plus vite… et qui dort mieux la nuit.
En 2025, la plupart des organisations ont investi dans des outils modernes… parfois même dans plusieurs outils qui font exactement la même chose (mais “ce n’est pas pareil, celui-ci a une meilleure interface”). Le véritable défi n’est donc plus d’avoir les bons composants, mais de les faire fonctionner ensemble dans une architecture cohérente, maintenable et compréhensible par les équipes. En 2026, il ne s’agira plus d’accumuler des briques, mais de poser un cadre d’ingénierie solide — celui qui permet enfin d’éviter l’effet “machine impressionnante qui tousse dès qu’on la regarde de travers”.
Pour atteindre une Modern Data Stack réellement opérationnelle, plusieurs bonnes pratiques s’imposent :
L’objectif final est clair : une architecture évolutive, contrôlée et intelligible, aussi bien pour les équipes techniques que pour les équipes métiers. Car une Modern Data Stack qui ne peut être comprise que par deux personnes dans l’entreprise… n’est pas vraiment moderne.
Après une année 2025 rythmée par les POC, démos captivantes et prototypes plus ou moins contrôlés (parfois très moins), 2026 doit marquer le passage de l’expérimentation à la création de valeur mesurable. Les entreprises ont compris que l’IA ne deviendra jamais un levier stratégique tant qu’elle restera confinée à quelques expérimentations isolées, alimentées par des jeux de données bancals et des workflows improvisés. L’heure est donc venue d’industrialiser les pratiques, de cadrer les usages et, osons le mot, de mettre un peu d’ordre dans tout cela — avec élégance, évidemment.
Pour franchir ce cap décisif, plusieurs actions s’imposeront :
Au fond, une IA performante repose toujours sur la même évidence : une donnée maîtrisée, propre, gouvernée et cohérente. Ce n’est pas la partie la plus spectaculaire, mais c’est celle qui fait toute la différence entre un prototype impressionnant et un système réellement utile.
En 2026, le Self-Service BI restera un pilier essentiel de la démocratisation de la donnée. Les métiers veulent comprendre, analyser, explorer… et parfois même prédire (avec plus ou moins de réussite). Et c’est une bonne nouvelle : une organisation où chacun peut produire ses propres analyses, c’est une organisation plus agile et mieux informée. Mais cette autonomie n’a de sens que si elle repose sur un cadre clair, sinon elle se transforme rapidement en foire d’Excel, où les KPI se multiplient plus vite que les réunions d’alignement. L’enjeu n’est donc pas d’ouvrir tous les robinets, mais d’encadrer intelligemment l’accès à la donnée.
Pour instaurer un Self-Service BI vraiment efficace, les organisations devront s’appuyer sur plusieurs bonnes pratiques :
Un Self-Service BI bien encadré permet de réduire la charge sur les équipes data, tout en renforçant l’autonomie des métiers. C’est un équilibre délicat, mais lorsqu’il est atteint, l’organisation avance plus vite, plus sereinement… et avec beaucoup moins de fichiers nommés “FINAL_v5_OK_version_definitive(3).xlsx”.
On l’a bien vu en 2025 : une stratégie data, même brillante sur le papier, ne produit rien si les équipes ne comprennent pas comment l’utiliser. La donnée n’a jamais posé problème — ce sont souvent les humains autour qui ont besoin d’accompagnement (avec beaucoup de bienveillance, évidemment). En 2026, les organisations les plus performantes seront celles qui auront décidé que l’acculturation ne relève plus du “nice-to-have”, mais du véritable moteur de la transformation. Car une équipe qui comprend la donnée… fait moins d’erreurs, pose de meilleures questions et évite de tirer des conclusions audacieuses à partir d’un simple camembert mal proportionné.
Pour y parvenir, plusieurs leviers seront essentiels :
Une culture data solide facilite l’adoption, réduit les erreurs et accélère véritablement la transformation. En d’autres termes : la donnée devient enfin un langage partagé, plutôt qu’un sujet réservé à quelques passionnés (ceux qui aiment discuter qualité de données à l’heure du café).
En 2026, de plus en plus d’entreprises réaliseront que la donnée n’est pas seulement une ressource technique : c’est un produit à part entière, avec des utilisateurs, des attentes, et même une forme d’expérience client (oui, certains utilisateurs data sont très exigeants, mais c’est pour la bonne cause). Cette approche “Data as a Product” permet de structurer, responsabiliser et professionnaliser la gestion de la donnée. Elle réduit les zones d’ombre, clarifie les rôles et met fin aux situations où l’on ne sait plus très bien qui est responsable de quoi — un classique, reconnaissons-le.
Concrètement, une approche produit repose sur plusieurs piliers clés :
Cette approche clarifie les responsabilités, améliore la satisfaction des utilisateurs métiers et transforme la donnée en un actif piloté, mesuré et véritablement utile. Une donnée gérée comme un produit, c’est une donnée qui ne surprend plus… sauf positivement.
Après une année 2025 marquée par une effervescence technologique et une avalanche d’expérimentations — certaines brillantes, d’autres… disons pédagogiques — 2026 devra être celle du recentrage. L’enjeu n’est plus d’accumuler les POC, ni de tester le dernier outil à la mode “pour voir ce que ça donne”, mais de construire une stratégie data solide, cohérente et pleinement orientée métier. Les organisations les plus performantes seront celles qui accepteront que la valeur ne vient pas de la nouveauté en soi, mais de sa capacité à s’appuyer sur des fondations parfaitement maîtrisées.
Car les leviers essentiels restent immuables : qualité des données, gouvernance vivante, architecture robuste, acculturation continue. Ce sont ces piliers qui transforment l’IA, la BI ou le Self-Service en outils réellement utiles, et pas seulement en sujets de discussion pour les comités d’innovation. Investir dans ces fondations, ce n’est pas retarder l’innovation — c’est lui donner enfin toutes les chances d’aboutir. En 2026, les entreprises qui réussiront seront celles qui auront compris qu’une stratégie data disciplinée n’est pas une contrainte, mais le meilleur accélérateur vers la création de valeur durable. Même si, oui, cela demande parfois de résister à la tentation du “on pourrait essayer cet outil juste pour voir”.